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Consommation en conditions de conduite réelles: un art difficile

Consommation en conditions de conduite réelles: un art difficile

Guillaume Darding - 06 avril 2017
Temps de lecture : environ 6 minutes

Le cycle d'homologation européen NEDC est depuis longtemps décrié du fait que les consommations de carburant sont largement sous-évaluées en comparaison des consommations réelles. Afin de combler cette lacune, des initiatives se sont mises en place, tant du côté des constructeurs que des organisations indépendantes, avec des écarts plus ou moins prononcés.

L’application d’un nouveau cycle d’homologation (WLTC) associé à des mesures en conditions de conduite réelles (RDE), dès septembre 2017, devrait aussi améliorer la situation. Toutefois, si les changements vont dans le bon sens, les écarts entre les données d'homologation et la consommation dans la réalité devraient rester significatifs.

Echappement Volkswagen Golf R

Le groupe PSA ainsi qu'Opel (note: à l'époque où Opel a fait cette annonce, en décembre 2015, Opel n'avait pas encore rejoint le groupe PSA) ont été les premiers constructeurs à vouloir rendre public des données de consommation plus représentatives. Toutefois, si PSA a effectué des tests de conduite en conditions de conduite réelle, Opel s’est contenté de publier les données relatives au nouveau cycle d’homologation WLTC.

Qui plus est, le constructeur allemand ne publie que les valeurs extrêmes obtenues lors des quatre phases du cycle. Or, ces résultats sont inexploitables, le WLTC n’étant pas un essai sur route (notamment, la climatisation est éteinte) et les valeurs extrêmes variant quasiment du simple au double.

Opel Insignia Grand Sport - profil

Par exemple, dans le cas de la nouvelle Insignia Grand Sport équipée du 1.5l Turbo essence de 140 chevaux, la plage de consommation indiquée par le constructeur est comprise entre 5,5 litres et 9,1 litres. Considérant un moteur diesel, le 1.6l diesel de 136 chevaux, le bilan n’est guère plus positif: le constructeur indique une plage comprise entre 4,6 litres et 8,1 litres.

Pour ce qui concerne le groupe PSA (Peugeot, Citroën, DS), le constructeur a évalué, sur route, une soixantaine de véhicules à l’aide d’un système de mesure portable (PEMS), le même système de mesure qui sera utilisé lors des tests d’homologation en conditions de conduite réelles (RDE). Cette base de véhicules permet, en extrapolant les mesures en fonction du poids et des caractéristiques aérodynamiques, de couvrir une large part de la gamme des véhicules du groupe (plus de 1.000 versions).

Illustration système de mesure portable PEMS - mesures en conditions de conduite réelles

Le protocole de mesure a été établi en collaboration avec Transport et Environnement et France Nature Environnement, deux organisations non gouvernementales. Il consiste à conduire le véhicule sur près de 100 kilomètres (23 km en ville, 40 km sur route et 30 km sur autoroute) en prenant en compte différentes conditions de conduite (utilisation ou non de la climatisation, chargement ou non du coffre, nombre d’occupants).

De plus, l’outil proposé par Peugeot permet d’affiner cette valeur en fonction de son style de conduite, du type de route fréquenté et du chargement habituel. Entre les conditions les plus favorables (faible chargement, longs trajets sur route nationale, conduite paisible) et les conditions les plus défavorables (véhicule chargé, courts trajets en ville, conduite sportive), la consommation peut varier de plus ou moins 1,5 litres (moteur diesel) et plus ou moins 2,5 litres (moteur essence) par rapport à la valeur initiale.

Peugeot 508 - Groupe PSA - mesures en conditions de conduite réelles

Informative, la base de donnée développée par PSA a toutefois une limitation: le groupe ne communique que sur la consommation de carburant. Il aurait été intéressant de communiquer les émissions de NOx (à l’origine du scandale Volkswagen) ou de particules fines (il faut néanmoins préciser que ces dernières sont encore difficiles à mesurer avec les systèmes de mesure portables actuels).

Cette démarche pourrait aussi se retourner contre le groupe si un constructeur concurrent prend l’initiative de communiquer des valeurs de consommation en conduite réelle selon un protocole qui serait moins sévère. Autrement dit, si ce type de base de données forme un excellent outil pour comparer les émissions des véhicules au sein d’un même groupe, il est illusoire de vouloir considérer ces valeurs comme des valeurs absolues et de vouloir les comparer avec celles d’un autre constructeur.

Aussi, des organisations indépendantes, telles qu’Emissions Analytics, ont mis en place des campagnes de mesures similaires à celle du groupe PSA pour établir une estimation de la consommation de carburant. A ce jour, l’organisation a mesuré plus de 1.000 véhicules depuis 2012. Chaque véhicule est evalué durant un temps de conduite d’environ 3h30 en prenant en compte différents profils de route, de conduite, de chargement et d’utilisation de la climatisation.

En extrapolant ces données aux autres véhicules utilisant le même moteur en fonction de la masse et des caractéristiques aérodynamiques, l’organisation est en mesure de communiquer des estimations de consommation en conditions de conduite réelles pour plus de 70.000 véhicules.

De plus, dans le cas d’Emissions Analytics, il est possible d’avoir une estimation des émissions d’oxyde d’azote (NOx) avec une notation allant de A à H:

Notation émissions de NOx par Emissions Analytics

Dans le cas des émissions de NOx, la base de données est plus restreinte: seuls 550 véhicules sont consultables. Contrairement à la banque de données relative à la consommation de carburant, l’organisme se limite à communiquer les données réellement mesurées et ne fait pas d'extrapolation aux autres véhicules utilisant le même moteur.

Les données d'Emissions Analytics vont, par ailleurs, servir de support à l’association des maires des plus grandes villes à travers le monde, le C40 (aujourd’hui présidé par Anne Hidalgo, maire de Paris). L’association entend utiliser ces informations afin de mieux orienter le consommateur dans ses choix lors de l’achat d’un nouveau véhicule. L’ONG ICCT (à l’origine de la prise de conscience du scandale Volkswagen) participera, par ailleurs, à l’élaboration de cet index.

Système de mesure des émissions portable PEMS - Emissions Analytics

Le C40 estime que l’étiquetage officiel actuel (utilisant des lettres allant de A à G associé à des couleurs allant du vert au rouge) est trompeur car il se base sur un cycle obsolète (le NEDC) et ne prend en compte que les émissions de CO2. D’ici à fin 2017, le C40 projette donc de mettre en place un index similaire à la notation réglementaire, applicable aux villes de Paris et de Londres et basé sur les mesures effectuées par Emissions Analytics.

Enfin, avec une base de données de plus de 500.000 véhicules et 400.000 utilisateurs, le site internet spritmonitor est un bon moyen d’évaluer lui-aussi la consommation réelle d’un véhicule. Toutefois, s’agissant d’un véhicule récent, il est difficile d’obtenir des données fiables car les véhicules à faible kilométrage consomment habituellement sensiblement plus sur les premiers milliers de kilomètres et le nombre de véhicules est faible (au maximum 3 exemplaires).

D’autre part, lorsque le nombre de véhicules est significatif (plus de 10), les données ont tendance à diverger (plus de 2 litres de différences entre la valeur minimum et la valeur maximum) du fait de style de conduite et des conditions de chargement qui peuvent être différentes.

Tableau comparatif de la consommation de carburant selon les sources

Si les consommations de carburant en conditions de conduite réelles restent relativement similaires (moins de 0.5 l/100km de différence entre les mesures de PSA et celles d’Emission Analytics), les différences sont significatives (près d’un litre) dans le cas d’un modèle sportif. D’autre part, les valeurs de consommations relevées par les utilisateurs du site internet spritmonitor sont sensiblement différentes des essais réalisés par PSA ou Emissions Analytics, sauf dans le cas de la motorisation diesel.

Dans tous les cas, le cycle NEDC (actuel cycle de validation) affiche des valeurs complètement surréalistes, comme cela est dénoncé depuis de nombreuses années, notamment par les ONG ICCT et T&E, confirmant, si besoin en était, que ce cycle est complètement obsolète.

Sources : Groupe PSA, Emissions Analytics, C40, Opel
Crédits photos: BMW, Emissions Analytics, Opel, PSA, Volkswagen

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Commentaires

22 octobre 2017 à 17h41

Bravo pour cet article
Sic "Les données d'Emissions Analytics vont, par ailleurs, servir de support à l’association des maires des plus grandes villes à travers le monde, le C40 (aujourd’hui présidé par Anne Hidalgo, maire de Paris). L’association entend utiliser ces informations afin de mieux orienter le consommateur dans ses choix lors de l’achat d’un nouveau véhicule. "
Cela apparait une bonne idée a priori ... mais, car il y a un "mais" et même un grand "mais", l'Air quality Index d'Emissions Analytics est fondé uniquement sur les NOx et ne considère pas du tout les particules fines, ni en masse ni en nombre Quand on leur pose la question, on obtient une réponse évasive qui en plus ne parle que des PM et non des PN.
Or selon les tests de l'ADAC, certains véhicules, notamment essence sont de très très gros émetteurs tels la Ford Focus RS ou le Volvo XC90 PHEV Twin Engine avec en circulation réelle plus de 6000 milliards de particules fines/km.
Pire les véhicules essence à injection indirecte sont carrément exclus des tests de particules tant sur les cycles NEDC, WLTC que RDE. Et pourtant les Twingo et Smart explosent tous les compteurs avec 80.000 milliards de particules fines/km à tel point que l'ONG DUH a demandé mi mai 2017 le retrait de l'homologation des Smart et l'arrêt du service d'autopartage Car2Go.
Bref quand on voir Mme Hidago se référer aux mesures d'Emissions Analytics, on peut légitimement se demander si ce n'est pas une manoeuvre de plus anti-diesel.

ANNEXE : échange avec la société Emissions Analytics
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De : xxxxx [mailto: xxxxx@emissionsanalytics.com]
Envoyé : mercredi 5 avril 2017 11:31
À : yyyyy
Objet : RE: EQUA Index launches in Europe
Dear yyyyy
Yes, we agree with you, and the only reason for the lack of PM data on our Index so far is down to the technology. We are carefully following the European Commission’s research into the measurement of particulates on the road and as soon as they decide on a system they consider to be robust enough we will start adding it to the EQUA Index. In the meantime, there is a new piece of equipment just out for measuring PM which we will most likely try this year and hopefully, if we are convinced by its performance, this will allow us to publish PM data in addition to NOx and CO.
Kind regards,
xxxxx

From: yyyyy [mailto: yyyyy@wanadoo.fr]
Sent: 05 April 2017 10:24
To: 'Emissions Analytics' <info@emissionsanalytics.com>
Subject: RE: EQUA Index launches in Europe
Hi
Great but, because there is a « but »
Your Equa Index DOES NOT consider particles Number
http://www.eea.europa.eu/ shows that fine particles provoke SIX Times more Premature Deaths than NOx

When will you consider both PM and PN in your Air Quality Index ?
Just Think :
Smart 90CV (alias Renault Twingo TCE90) : PM= 44.6 mg/km & PN = 828,44357 10¹¹/km = 82844 billions fine particles/km
Peugeot 208 Diesel BlueHDI 100 : PM = 0.9 mg/km & PN = 0,0052 10¹¹ = 0,5 billion fine particles/km
In other words : 1 SINGLE km with the Smart = as much as fine particles as 165,000 kms with the Peugeot 208 diesel
alleluia
Best
yyyyy
Guillaume Darding [administrateur]

22 octobre 2017 à 22h43

Bonjour Ceyal et merci pour votre commentaire!

Effectivement, l'index d'Emissions Analytics ne prend pas en compte les émissions de particules fines. Comme ils l'envisagent dans la réponse qu'ils vous apportent, ce n'est pas volontaire, mais technique. De fait, la mesure des émissions de particules sur les PEMS (systèmes de mesure portables) est assez récente et il n'y a pas encore assez de recul quant à la fiabilité des mesures. C'est d'ailleurs ce que j'évoque dans l'article sur les nouvelles normes Euro 6 (https://www.guillaumedarding.fr/nouvelles-normes-d-emissions-euro-6d-temp-1856766.html).

Actuellement, la réglementation européenne impose de mesurer les émissisons de particules fines en nombres (PN), mais il n'y a pas de restriction (au contraire des émissions d'oxyde d'azote) pour cette même raison. Cela devrait venir prochainement (peut-être à partir de 2020).

Concernant les moteurs à injection indirecte, ils ne sont effectivement pas concernés par les émissions de particules fines, tant en nombre (PN) qu'en masse (PM). Normalement, de par leur technologie (le mélange air/essence se fait dans les tubulures d'admission et est plus homogène dans le cylindre que lorsque le carburant est injecté directement dans le cylindre), ils ne sont pas sujet aux émissions de particules fines.

Malheureusement, il y a un contre-exemple avec la Smart, de manière assez incompréhensible. D'après les dernières déclaration du groupe Daimler, le groupe devrait équiper progressivement tous ses moteurs essence d'un filtre à particules.

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