Les véhicules électriques font l'objet de critiques régulières pour leur autonomie limitée par rapport aux véhicules à moteur à combustion. La lenteur de la charge ainsi que le manque de bornes de recharge sont deux autres défauts très souvent pointés lorsqu'on évoque une voiture électrique. Dès lors, le véhicule électrique semble plutôt inadapté pour parcourir des longues distances.
Avec près de 800 km qui séparent Paris de Marseille, la simulation d'un long trajet entre les deux métropoles permet de faire un état des lieux et d'évaluer dans quelles conditions un véhicule électrique s'affranchit de ces contraintes intrinsèques.
Au départ du voyage, la batterie n'est rechargée qu'à 90% et non à 100%. Ce niveau de charge permet de bénéficier le plus rapidement possible du freinage régénératif (diminution de la consommation électrique) dès que la batterie est à température. Le freinage régénératif permet de recharger la batterie dès que le conducteur lève le pied de l'accélérateur et/ou que le conducteur sollicite la pédale de frein modérément.
Le véhicule atteint un point de charge avec une autonomie théorique restante d'environ 30 km. Cela permet d'éviter l'angoisse de la panne si les conditions de circulation ou les conditions météorologiques sont défavorables.
Enfin, comme il n'est pas toujours certain de pouvoir disposer d'un point de charge à l'arrivée, le véhicule arrive à destination avec une réserve de 80 kilomètres environ. Cette marge permet d'arriver à destination et de pouvoir faire d'autres petits trajets à l'arrivée (courses alimentaires, etc.) avant de chercher un point de charge.
La comparaison se fait entre un véhicule à moteur essence, un véhicule diesel, une Volkswagen ID.3 avec la batterie intermédiaire (58 kWh), une ID.3 avec la batterie de grande capacité (77 kWh), une Tesla Model 3 Autonomie Standard Plus ainsi qu'une Tesla Model 3 Grande Autonomie.
La carte suivante représente les parcours pour chaque véhicule avec les pauses ou les arrêts-recharges. Tous les trajets sont visibles et superposables en cliquant sur l'icône en haut à gauche de la carte. D'autre part, le temps et le coût de chaque charge sont accessibles en cliquant sur les icônes des arrêts.
Le tableau ci-après fait la synthèse des différents véhicules en matière de coût et de temps du trajet entre Paris et Marseille :
Dans sa version Grande Autonomie, le temps de trajet de la Model 3 n'est pas très éloigné de celui d'une voiture à moteur thermique tout en étant bien plus économique. En version Autonomie Standard Plus, le temps de trajet s'allonge assez significativement en raison de deux arrêts supplémentaires et d'une puissance moyenne de charge sensiblement plus faible que le modèle Grande Autonomie.
Si l'ID.3 s'en sort bien dans sa version 77 kWh, elle perd un peu de temps par rapport à la Tesla Model 3 du fait de sa vitesse de charge légèrement plus faible (puissance maximale de 125 kW contre 150 kW pour la Tesla Model 3 sur un superchargeur V2).
Le trajet prévu pour la version 58 kWh est un cas représentatif du manque de développement du réseau de charge rapide. De fait, le deuxième arrêt-recharge, juste avant Beaune, doit se faire en dehors du réseau Ionity, à la borne de la Maison de Pays de Pouilly-en-Auxois. Idéalement, il faudrait une station Ionity au niveau de l'aire de Lochères pour éviter cela (une station existe dans le sens Lyon-Paris, mais pas dans l'autre sens).
Dans cette zone, il n'y a qu'une borne de charge rapide et elle peut donc rapidement afficher complet, sans oublier qu'il faut disposer d'un moyen de paiement adapté (les cartes bancaires n'étant pas toujours acceptées).
Parce que chaque station dispose de plusieurs bornes, le réseau Ionity est plus rassurant. Néanmoins, la facturation se fait à la minute et non au kWh (idem pour la borne de Pouilly-en-Auxois) et la base tarifaire est élevée. D'un côté, ce système permet d'éviter que des véhicules électriques restent branchés trop longtemps alors qu'ils sont suffisamment chargés. Mais, lorsque la recharge se fait à une puissance plus faible, le prix au kilowatt-heure devient prohibitif.
Ainsi l'ID.3, dans sa version 58 kWh, est pénalisée par rapport à sa grande soeur équipée d'une batterie 77 kWh en terme de coût. Alors que les 2 véhicules ont une consommation moyenne très similaire sur l'ensemble du trajet, le coût de la recharge pour la version 58 kWh est 22 € supérieur à celui de la version 77 kWh car la puissance maximale admissible par la batterie de 58 kWh est de 100 kW contre 125 kW avec la batterie de 77 kWh.
En considérant un trajet effectué avec la Tesla Model 3 Autonomie Standard Plus, plusieurs scénarios sont envisageables :
La stratégie conservatrice est plus lente que la stratégie classique car, lorsque le niveau de charge est plus élevé, la vitesse de charge est plus lente. Néanmoins, cela reste une bonne stratégie pour éviter tout stress de panne.
Entre les autres stratégies restantes, la stratégie agressive n'apporte aucun gain de temps, génèrera du stress (en tout cas pour un conducteur peu habitué à effectuer un long trajet) et diminuera la flexibilité à l'arrivée avec une autonomie restante de seulement 50 km.
De manière surprenante, la recharge mixte, en utilisant le réseau Ionity, n'apporte pas grand chose en gain de temps (4 minutes). Pourtant, les 2 arrêts effectués sur le réseau Ionity s'effectuent sur des aires d'autoroutes alors que les arrêts équivalents du réseau Tesla, obligent à quitter temporairement le réseau autoroutier. En revanche, les 2 recharges sur le réseau Ionity grèvent le coût du trajet de manière assez significative.
Enfin, les outils de planification proposent parfois de réduire la vitesse sur une partie du trajet : c'est une solution qui peut être intéressante, même si elle peut s'avérer frustrante en matière de plaisir de conduite. Dans le cas présent, la réduction de la vitesse entre Vienne et Orange permet de supprimer un arrêt.
Dans certaines conditions, il peut arriver que la consommation électrique soit significativement plus élevée qu'habituellement et ce phénomène est plus sensible sur un véhicule électrique qu'avec un moteur à combustion.
Par exemple, les phénomènes suivant peuvent faire augmenter la consommation :
Dans ce type de situation, il est nécessaire d'anticiper la stratégie à adopter afin de ne pas subir l'angoisse de la panne ou un temps de trajet excessif. Le conducteur peut agir sur 2 paramètres : la vitesse et/ou le nombre d'arrêts-recharge.
En reprenant le parcours de la Tesla Model 3 Grande Autonomie avec des consommations extrêmes de 23 kWh/100km voire 25 kWh/100km parfois relevées par les utilisateurs, on obtient les résultats suivants :
Lorsque la consommation augmente de manière inattendue, il est donc plus judicieux de faire un arrêt en plus plutôt que de réduire sa vitesse : encore faut-il que le réseau de bornes de charges rapides soit suffisamment dense pour se le permettre. Le cas contraire, la seule solution reste donc de réduire sa vitesse, ce qui devient pénalisant en matière de durée du trajet.
L'aptitude d'un véhicule à moteur électrique à effectuer des longs trajets sans pénalité significative de temps repose sur 4 piliers d'importance égale :
En développant à la fois des véhicules et son propre réseau de charge, Tesla, en particulier avec la Model 3 Grande Autonomie, propose un modèle abouti non seulement en terme de durée, mais aussi et surtout en terme de coût sur les longs trajets.
La Tesla Model 3 Autonomie Standard Plus reste tout autant économique, mais sa batterie de plus faible capacité oblige à plus d'arrêts et ces arrêts durent plus longtemps à cause d'une vitesse de charge sensiblement plus lente. Sauf à faire des longs trajets quotidiennement, le temps supplémentaire induit par la version Autonomie Standard Plus reste largement acceptable.
La Volkswagen ID.3, avec la batterie de 77 kWh s'en sort bien en matière de durée de trajet, même si le coût est plus onéreux qu'avec une Tesla. Avec la batterie de 58 kWh, si le temps de trajet est encore supportable (sauf à faire ce type de trajet régulièrement), le coût d'un long trajet est décevant (12 mois après l'achat) car il est comparable au coût du trajet effectué par un véhicule à moteur thermique.
Les différents scénarios de conduite n'ont pas une grande influence sur le coût (sauf si la charge est facturée à la minute et non au kilowatt-heure), ni sur le temps de trajet. Choisir l'un ou l'autre sera donc essentiellement une préférence personnelle.
Il reste néanmoins une différence de taille par rapport à un véhicule à moteur à combustion : tandis que le conducteur d'un véhicule à moteur thermique pourra choisir le moment où il veut (ou ne veut pas) faire de pause, dans le cas d'un véhicule électrique, c'est ce dernier qui dictera le moment et le lieu où la pause doit s'effectuer.
Tant que le réseau de charge ne sera pas significativement plus développé (de manière à être encore plus dense que le réseau de stations-service actuel), un long trajet en véhicule électrique, demandera toujours plus de préparation avant de prendre le volant, ce qui peut décourager certains conducteurs pour qui voyage en voiture est plutôt synonyme de liberté et d'improvisation.
Tous les commentaires sur le sujet (masquer les commentaires les plus anciens):
31 janvier 2021 à 15h20
Bonjour Pascal et merci beaucoup pour tes encouragements !31 janvier 2021 à 17h27
Pour 15000€, tu as aujourd'hui une Dacia Sandero Stepway qui carbure au GPL !02 février 2021 à 07h44
Article très intéressant étant donné l'exhaustivité des paramètres et la précision des calculs (même s'il s'agit d'un parcours type). Je suis également d'accord avec vos conclusions quant à l'augmentation du coût d'un véhicule, quelle qu'en soit l'énergie (il faut également inclure des conditions d'équipement en recharge au départ et à l'arrivée pour les véhicules électriques. Tout le monde ne vit pas encore avec une borne sur un espace réservé et protégé.02 février 2021 à 13h15
Bonjour Poilou, merci pour vos encouragements et votre réflexion au sujet de l'automobile et de son devenir !05 février 2021 à 21h02
Bonjour, c'est très intéressant, mais je pense qu'il faudrait faire des choses un poil plus réalistes, et, j'en ai peur, nettement moins favorables aux véhicules électriques; par exemple, un "vrai" départ en vacances d'été par 30°, clim obligée, quelques bouchons sur le trajet, et lieu de villégiature reculé dans l'arrière pays. Ces trois ingrédients, je pense, plomberaient l'addition des véhicules électriques, en temps et en argent.05 février 2021 à 22h07
Bonjour Thomas,11 février 2021 à 16h06
Bonjour, très bon article !12 février 2021 à 00h03
Bonjour Stanislas et merci beaucoup pour vos encouragements !16 février 2021 à 11h32
Bonjour, je reviens sur votre réponse à propos de fin de trajet de vacances: il se trouve que ce sont les gens qui viennent chez moi et je suis en montagne (Cévennes). Il m'est arrivé de mettre l'autonomie restante en négatif sur une Twingo 90 ch de location. En rentrant chez moi, au niveau de la dernière station de plaine, il me restait 50 km à faire possiblement, pour 15 en réalité. J'ai vu le nombre de km descendre beaucoup plus vite que les km réels, pour finir à -10 chez moi... Du coup j'ai très peu confiance dans les calculateurs de distance restante à parcourir. J'ai peur qu'ils soient beaucoup trop optimistes dans mon cas. Pour mon histoire, je pense que je suis tombé dans un travers du "downsizing", la conso annoncée de cette Twingo était de l'ordre de 4,5 l /100 km, en pratique j'ai fait un peu plus de dix, alors qu'avec mon véhicule habituel (320d), je tourne autour de 7,5, pour une annonce de 6, tout ça à parcours et type de conduite équivalents. Mais c'est une autre histoire.17 février 2021 à 11h10
Bonjour Thomas, c'est un point très intéressant que vous soulevez ici concernant les indicateurs d'autonomie.24 février 2021 à 17h53
Un bon article, bravo, il aurait fallu aussi intégrer les Tesla qui disposent de la recharge gratuite aux superchargeurs et ceux qui ont un crédit annuel gratuit.24 février 2021 à 22h31
Bonjour Hervé, merci pour vos encouragements.05 mars 2021 à 22h33
Bonjour, encore un très bon article ! (Le premier qui m'a fait tombé sur le site était celui sur le 1.5 TSI VW)07 mars 2021 à 11h56
07 mars 2021 à 13h24
Bonjour à tous et merci pour vos encouragements !07 mars 2021 à 20h43
Bonsoir, c'est justement à cela que je pensais avec le coffre de toit, en plus du poids des bagages, si je prend un trajet que je fais plusieurs fois par an, Lyon -> Lans en Vercors par exemple, je vais avoir de l’autoroute. De plus la température en altitude l'hiver ne doit pas aidé...08 mars 2021 à 07h46
... Et qui coutent entre 50000 et 150000 €, à la portée de n'importe quel péquin en somme !
31 janvier 2021 à 12h12
Très bon article, Guillaume, comme dab' !tout ceci me renforce dans mes pensées et mes choix (je ne parlerai pas ici de la pollution engendrée avant la commercialisation de ces véhicules électriques et de la détresse humaine due à l'extraction des terres rares, ce n'est ni le lieu ni le sujet); ce que je retiens, c'est que le conducteur est pieds et poings liés à la disponibilité (et aux différents tarifs !) des bornes, quand elles sont disponibles, en état de fonctionnement; mais mon principal frein à l'achat de ce type de transmission, c'est bien le tarif; là où je peux me permettre de rouler à plus ou moins 20000€ en diesel, il n'y a aucune alternative (en neuf) en électrique; ce sont des machines pour riches, qui ne font que très peu de kilomètres; mêmes les hybrides sont chères et pas forcément efficientes si l'on quitte la ville; un RAV4 220 ch consomme plus de 9 litres de sans plomb sitôt les batteries vides ... Renault veut démocratiser l'électrique en nous proposant dans 3/4 ans, une R5 à 20000€; mais quel est la famille qui peut rouler là dedans ? petite voiture, petite batterie donc petite autonomie !